source Force ouvrière
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Benoît Malon est une des plus
éminentes figures du mouvement ouvrier français du XIXe siècle, alors en pleine lutte pour sa libération sociale. Sa vie combative, intimement liée à la destinée même du prolétariat est un
exemple dans l'histoire de leurs revendications. Cette existence douloureuse et passionnée à la fois mérite d'être évoquée.
Malon dans sa jeunesse était ouvrier agricole. C'est à vingt ans seulement qu'il apprit à lire. Il se décida à venir à Paris où il connut la misère, mais il
continua de s'instruire avec une volonté opiniâtre. Son grand courage l'aidait à lutter contre sa détresse et son ignorance et aussi pour ses semblables qu'il désirait éclairer, stimuler pour
le combat.
Non seulement ses débuts à Paris, mais toute sa vie fut une dure épreuve. Pour se subvenir, il fut homme de peine, puis ouvrier teinturier. Benoit Malon, écrit
Léon Cladel, connu des jours sans pain et des nuits sans abri: «Il gîte dans un taudis se loge en une mansarde de six pieds carrés, et c'est là, sur un dur grabat où ses membres endoloris se
délassent de la journée, qu'à peine éclairé la nuit, par la lueur fumeuse d'une chandelle de suif enfilée dans le goulot d'une bouteille, posée celle-ci sur une planche assujettie au châlit,
entre deux chaises dépaillées, il se brûle les yeux jusqu'à l'aurore en des lectures forcenées et qui lui profitent si bien qu'en 1866, ses camarades de travail et de misère, reconnaissant en
lui le plus apte d'entre eux à défendre leur cause, le délèguent auprès des patrons et le nomment chef de grève». Il savait que le patronat abuse sans pudeur les ouvriers, il fallut donc
s'armer de la science pour pouvoir conquérir leur droit à une meilleure condition de vie.
Sous le règne de Napoléon III, la situation était déplorable à tous points de vue pour les ouvriers leurs salaires étaient bas; ils n'avaient aucune sécurité
quant à la maladie, le chômage et la vieillesse. Benoît Malon songeait avec angoisse à l'avenir de la classe ouvrière. Le «brave homme» sentait instinctivement que son devoir était à côté de
ceux qui préparaient l'émancipation des opprimés du joug capitaliste. Et c'est ainsi que Benoît Malon devint un des fondateurs de la Fédération des Sociétés ouvrières et un des militants les
plus représentatifs et les plus déterminés de l'Internationale.
Une intelligence mobile et aigüe, une profonde sensibilité et une logique naturelle guidaient toutes ses actions. Sa condamnation au premier procès de
l'Internationale stimula encore davantage son ardeur révolutionnaire. Comme il avait de la continuité dans les idées, il ne fut pas question d'abandonner la lutte, sous la menace de la
persécution et des tracasseries policières. Sous son impulsion, une grève de revendications éclata au Creusot en janvier 1870, il se rendit aussitôt sur place comme envoyé spécial du journal la
Marseillaise pour diriger le mouvement qui malheureusement échoua. La police le rechercha, mais il lui avait déjà échappé et, sous un faux nom, il arriva à Fourchambault, dans la
Nièvre, pour animer et conduire une autre grève. Il parcourut la province pour créer de nouvelles sections de l'Internationale.
À peine était-il de retour à Paris qu'il fut enfermé au Mazas pour plusieurs mois. Pendant sa détention il écrivit un long poème épique rimé dans une forme
régulière sur la Grève des Mineurs, où il narre avec vérité et émotion l'histoire de trente grévistes «meneurs», condamnés à l'emprisonnement qui luttaient également pour le triomphe de leur
idéal: «Nous gardons dans nos coeurs de fortes espérances. - L'avenir pour promet la fin de nos souffrances. - Et des temps où ta force et l'inégalité. - Ne nous retiendront plus sous un joug
détesté». Certes, ces vers n'ont pas de valeur littéraire, mais l'âme révoltée et combative de Benoît Malon vibre dans ce poème vengeur avec une émouvante simplicité.
Malon fut de nouveau condamné pour un an au cours d'un nouveau procès de l'Internationale. Heureusement, la proclamation de la République lui ouvrit les portes de
la prison et il prit part le 31 octobre 1870 aux tentatives insurrectionnelles malencontreuses des Blanquistes. Puis, c'est la Commune de Paris qui dure trois mois, à laquelle il participe et
après la défaite viennent les années douloureuses de l'exil où il déploie une fiévreuse activité littéraire au service du prolétariat. Enfin, c'est le retour en France avec l'amnistie, la
création du journal ouvrier L'Émancipation à Lyon et la publication de L'Histoire critique de l'Economie politique et de La Morale Sociale dans lesquels Benoit Malon
a exposé les problèmes et les idées de sa philosophie constructive.
La vie et l'oeuvre de ce révolutionnaire ardent, épris de liberté et de justice, sont ineffaçables dans l'histoire des luttes ouvrières du XIXe siècle.
Théodore Beregi