Jean Marcheix premier fédéral SFIO des Hautes-Pyrénées congrès Congrès national extraordinaire, 9 au 12 novembre 1944
Camarades, je voudrais vous parler du recrutement du Parti, ce qui va n’amener à revenir sur ce qu’a dit hier matin notre Secrétaire général.
On a envisagé comme possibles les adhésions de Paul-Boncour, de Ramadier et de certains radicaux ou républicains de tendances diverses.
J’attire tout particulièrement l’attention de nos camarades Socialistes sur ces nouvelles adhésions.
Paul-Boncour, on connaît la situation. C’est l’homme qui a dit que la Pologne montait la garde de la civilisation à la frontière de l’Est ; c’est l’homme qui, à la suite de quelques débats politiques à la Chambre des députés, nous a doté des trop fameux gardes mobiles ; c’est l’homme enfin qui a quitté notre Parti pour décrocher quelques sinécures, pour avoir dans la recherche de postes intéressants, uns liberté d’action que le Parti aurait pu lui refuser.
(Applaudissements)
Quant à Ramadier, c’est un attentiste par excellence. Il a quitté notre Parti en 1936, pour rester ministre. Et ministre du Front populaire, alors qu’il visitait les usines électriques de la région du sud de la France, il a refusé, montrant ainsi la sincérité de son Socialisme, d’entrer en relations avec les ouvriers de ses usines. Et non content de cette attitude nouvelle, il a fait décorer de la légion d’honneur des hommes qui sont aujourd’hui en prison. Ce sont des choses que nous ne pouvons pas accepter. Et nous pensons que, comme Paul Boncour, il demande à revenir au Parti pour reprendre une place de ministre, sans doute.
Quant aux radicaux, je m’en méfie très sincèrement, parce qu’il y a au gouvernement un certain Monsieur Giacobbi dont la politique ne nous enchante pas.
Ce que nous voulons, ce n’est pas nous dresser systématiquement contre tel ou tel homme politique qui aurait le désir de revenir ou de venir parmi nous. Mais, ce que nous demandons, c’est que le Parti Socialiste prenne une figure vraiment ouvrière, vraiment paysanne.
Nous nous défions de ses bonzes, de ces bonshommes usés par la politique qui ont mangé un peu à tous les râteliers. Ce que nous voulons de tout notre c½ur, de toute notre passion, c’est attirer à nous les ouvriers et les paysans de ce pays, sans oublier les petits artisans. J’ai l’impression très nette qu’il y a une cassure entre le Parti Socialiste et le monde ouvrier. Je suis un syndicaliste et un vieux syndicaliste. Et j’ai le regret de dire qu’il est rare, aujourd’hui, de voir des syndicats dirigés par des Socialistes.
Je sais ce qu’on me répondra : pas d’immixtion politique au sein des organisations syndicales. Cette immixtion existe tout de même, et cette situation ce n’est pas nous qui l’avons créée, ce sont nos adversaires d’en face. Cela existe, camarades ! Aujourd’hui, toutes les organisations syndicales, presque toutes les fédérations sont dirigées par des Communistes. Pourquoi ? Parce que les Socialistes se sont contentés de respecter les statuts de leur parti, adhérant à leur syndicat sans faire d’action syndicale.
La Parti se reconstitue. C’est un fait. Mais, nous désirons aussi qu’il prenne les places, partout, où cela sera possible, afin de faire connaître et aimer le Socialisme.
Le syndicat, je ne vous apprends rien, est la cellule de l’activité économique et sociale de demain. Notre rôle, dans les syndicats ouvriers, est de diriger la lutte, pour ne pas connaître la situation qu’ont connue nos camarades tchèques, lors de leur grande grève, pour n’avoir pas su coordonner l’action de millions de travailleurs, faute d’un parti capable de donner les directives nécessaires.
Nous demandons aussi que notre Parti prépare, pour le monde ouvrier, les solutions qui constitueront demain le fondement de la nouvelle société. Nous voulons qu’il forme des militants syndicalistes et qu’il les arme, pour la lutte de chaque jour.
Dans le monde paysan également, il nous appartient de constituer des syndicats et de les diriger vers les luttes et vers les solutions nécessaires. De même, nous devons être présents à la CGA.
Nous sommes quelque peu effrayés par les places que prennent les Communistes dans la CDAP et la CGA. Celle-ci leur appartiendra demain, si les Socialistes ne se dressent pas pour prendre les places qu’ils doivent occuper dans cet organisme. Je dis bien qu’ils doivent occuper, car les paysans sont Socialistes et surtout Socialistes.
Et les coopératives ? Est-ce que vous y avez pensé ?
Il est nécessaire que nous fassions ce travail, que nous le fassions la plus rapidement possible.
L’artisanat attend lui aussi des solutions nouvelles. Il est étranglé par les trop fameux comités d’organisation industrielle et les offices de répartition qui s’ingénient à rejeter les artisans dans le chômage et la misère.
Et qu’on ne dise pas que la Parti Socialiste n’a pas à s’occuper des artisans. Il est indispensable au contraire qu’il s’occupe d’eux.
Notre rôle n’est pas de provoquer la guerre civile. C’est de prendre immédiatement la place qui nous revient. Nous devons profiter du courant de sympathie qui attire les hommes vers notre Parti, pour les organiser dans la vie économique. Notre mot d’ordre doit être : Entraîner les forces du travail vers notre Parti, vers le Socialisme.
(Applaudissements)