Nous avons peu d'éléments sur le voyage qui a suivi l'été de Saint-Palais, une détente recommandée par les médecins et souhaitée vivement par Natalia et L.D. comme un séjour à deux dans la solitude. Revenue de Paris en voiture le 8 octobre avec Henri et Raymond Molinier, Natalia retrouvait un L.D. qui n'avait pas encore changé son aspect physique pour s'assurer l'anonymat dans leur escapade. Ce n'est que le 9 au matin, après avoir renoncé à se teindre les cheveux, que Trotsky rasa lui-même sa barbiche, ce qui, effectivement, le rendait difficilement reconnaissable.
A 11 heures du matin, le couple Trotsky prend la route, avec Henri Molinier et Jean Meichler. Ils arrivent à Bordeaux à 16 heures et s'y arrêtent, du fait d'une avarie de moteur : ils vont coucher à l'hôtel Faisan, place de la Gare. Après une vaine attente pour la réparation de la voiture, les voyageurs se décident à en louer une autre et repartent le 11 octobre, passant la nuit à Mont-de-Marsan. Ce n'est que le 12 qu'ils arrivent à Bagnères-de-Bigorre. Henri Molinier, reparti pour Paris, est remplacé par Jeanne, qui arrive le 17 octobre. Nous savons que Trotsky continue de lire les journaux, mais s'abstient totalement d'écrire. Nous savons qu'ils ont fait une excursion à Lourdes, ce qui l'amènera à écrire un peu plus tard dans son Journal d'Exil :
« Quelle grossièreté, quelle impudence, quelle vilenie ! Un bazar aux miracles, un comptoir commercial de grâces divines. La grotte elle-même fait une impression misérable. C'est naturellement là le calcul psychologique des prêtres : ne pas effrayer les petites gens par les grandioses dimensions de l'entreprise commerciale : les petites gens craignent une vitrine trop magnifique. En même temps, ce sont les plus fidèles et les plus avantageux acheteurs. Mais le meilleur de tout, c'est cette bénédiction du Pape, transmise à Lourdes... par la radio. Pauvres miracles évangéliques, à côté du téléphone sans fil !.. Et que peut-il y avoir de plus absurde et de plus repoussant que cette combinaison de l'orgueilleuse technique avec la sorcellerie du super-druide de Rome ! En vérité, la pensée humaine est embourbée dans ses propres excréments. »
Après ce séjour de repos, les voyageurs, toujours accompagnés de Meichler, prennent le 31 octobre l'autobus du retour pour Tarbes et, de là, pendant la nuit, le train pour Orléans où Raymond Molinier les attend en voiture. Tandis que Jean Meichler continue sur Paris, Raymond conduit les deux voyageurs à Barbizon, dans la villa louée pour eux par Henri Molinier, qui les attend sur place avec Van, le 1er novembre 1933.(....)
ce texte est un extrait du livre de :
Pierre Broué, Trosky
chapitre XLIX – Séjour libre en France