"Il n'y a pas d'antidote contre le poison de la calomnie. Une fois versé, il continue d'agir quoiqu'on fasse dans le cerveau des indifférents, des hommes de la rue comme dans le coeur de la victime. Il pervertit l'opinion, car depuis que s'est propagée, chez nous, la presse de scandale, vous sentez se développer dans l'opinion un goût du scandale. Tous les traits infamants sont soigneusement recueillis et avidement colportés. On juge superflu de vérifier, de contrôler, en dépit de l'absurdité parfois criante. On écoute et on répète sans se rendre compte que la curiosité et le bavardage touchent de bien près à la médisance, que la médisance touche de bien près à la calomnie et que celui qui publie ainsi la calomnie devient un complice involontaire du calomniateur. Il faut donc tarir la calomnie à sa source. Il faut en finir avec l'inexplicable esprit de tolérance qui la considère comme à peu près d'excusable dans le cas où elle est pourtant le plus criminel. C'est-à-dire qu'elle est employée froidement, systématiquement, comme une arme politique, comme un moyen de propagande, de vengeance ou de représailles. Voici quelques années qu'il en est ainsi dans notre pays. Je n'incrimine aucun parti politique organisé mais les clans, les bandes, les hommes, les journaux, qui, contre les adversaires, jugent tous les moyens bons et tous les coups réguliers. Il s'agit, pour eux, d'abattre tel ou tel homme ou bien à travers tel ou tel homme, d'atteindre tel ou tel parti, ou bien à travers tel ou tel parti, d'atteindre les institutions et le régime républicain. Seul, le résultat prouve. Et s'il ne peut être utilement obtenu que par le mensonge et la calomnie, va pour le mensonge et pour la calomnie. Si un homme est déshonoré, chemin faisant, tant mieux. Si un homme souffre et meurt, tant pis. La fin justifiera les moyens. Voila, précisément, ce qui ne peut pas durer. Le peuple français ne livrera pas plus longtemps les siens à la fin infâme. Il ne supportera pas plus longtemps que pour satisfaire à leur passion, à leur vengeance ou même à leur plus vils intérêts, les chefs de bandes et leurs mercenaires attentent à son honneur ou même à sa sécurité. Il reconstituera en dehors d'eux la communauté nationale. Il consolidera contre aux des institutions républicaines. Il rejettera fermement et durement s'il le faut leurs attentats contre la société plus libre et plus juste jusqu'à la mort. Roger Salengro n'aurait pas voulu d'autre vengeance."