De Paul Lafargue
Le tant pour cent est la patrie du capital : là où il y a un demi du cent à gagner, les capitalistes se précipitent, comme des vautours sur la charogne.
Depuis la guerre de 1870-71, ils exportent continuellement en pays étrangers les capitaux crées en France pour obtenir des tant pour cent supérieurs. Ces capitaux ont servi à développer la
production du blé en Hongrie et aux Etats Unis, et celle du vin en Italie et en Espagne, et à outiller industriellement l’Autriche, l’Italie, le Luxembourg, les Etats Unis ; les produits
agricoles et industriels de ces pays font concurrence à ceux de la France sur le marché national.
L’importation des produits agricoles et industriels de
ces pays a infligé des pertes aux fabricants et aux propriétaires fonciers qui, alors, ont réclamé des droits protecteurs pour majorer le prix des produits qu’ils vendent à leurs compatriotes
bien aimés : au nom du patriotisme le plus pur et le plus sacré, ils veulent que les français ne mangent que du blé et de la viande de France et qu’ils ne s’habillent que des étoffes ouvrées en
France, dussent ils les payer 10 et 20 pour cent plus cher qu’ils ne les vendent aux étrangers. Cependant, ce sont eux et leurs confrères en capitalisme qui, en exportant des capitaux de
France, ont développé l’industrie et l’agriculture des nations rivales.
Ils ont fait pis encore. Alors qu’au
sujet de la Tunisie la guerre était sur le point d’éclater entre la France et L’Italie, les patriotes du capital souscrivent les emprunts du gouvernement italien et lui expédièrent
des centaines de millions pour équilibrer son budget et compléter son outillage militaire : de sorte que , si la guerre avait été déclarée, les obus qui auraient défoncé les poitrines des soldats
français auraient été forgés avec de l’argent français !
Trahir et dévaliser la patrie, voilà tout le patriotisme
de la bourgeoie.