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Blum tente au cours de cette manifestation publique de justifier la non intervention en Espagne. Ce fut le plus mauvais choix de ca carrière politique.

 

 

Inconnu : Mes chers amis, la parole est à notre ami Léon Blum, Président du Conseil.

Léon Blum Merci. Mes chers amis, je n'étais pas inscrit au programme de cette fête. C'est moi qui, hier soir, à la fin d'une assez dure journée et après m'être entretenu avec nos camarades délégués des usines métallurgiques de la Seine, ai demandé à la Fédération de la Seine de m'accorder, aujourd'hui, son hospitalité. Je m'étais entretenu avec nos camarades des usines. J'éprouvais le besoin, le besoin impérieux, je vous l'assure, de m'entretenir maintenant avec mes camarades et avec mes amis de la fédération. Je n'ai pas besoin de vous dire longuement pourquoi. Je ne ferme pas les yeux, croyez-le bien, à la réalité. Il existe, en ce moment, entre le gouvernement de Front Populaire que je préside et une partie tout au moins des masses ouvrières, un malentendu que je ne veux à aucun prix laisser s'acheminer insidieusement et s'altérer. Je suis ici, je ne sais pas si je vous convaincrai, mais je suis ici tout au moins pour m'expliquer devant vous et cela je veux le faire. Est-ce qu'il y a un seul d'entre vous qui puisse croire de moi, que trois mois d'exercice du pouvoir, aient fait de moi un homme autre que celui que vous connaissez depuis tant d'années ? Non. Car il y a trois mois aujourd'hui, juste aujourd'hui même, que nous nous sommes présentés devant les chambres. Et je vous assure que ces trois mois me paraissent, à moi, en ce moment, aussi long que je ne sais combien d'années. Non pas peut-être seulement par l'oeuvre accomplie mais parce que, vous savez, cette suite de jours sans répit et de nuits sans sommeil, font trouver la course du temps étrangement lente. Vous savez bien que je n'ai pas changé et que je suis toujours le même. Est-ce que vous croyez qu'il y ait un seul de vos sentiments que je ne comprenne pas et que je n'éprouve pas ? Vous avez entendu l'autre soir... Vous avez entendu, l'autre soir, au Vélodrome d'hiver, les délégués du Front populaire espagnol, je les avais vu le matin même. Croyez-vous que je les ai entendus avec moins d'émotion que vous ? Croyez vous, quand je lisais comme vous dans les dépêches, le récit de la prise d'[Hendaye d'Irune] et de l'agonie des derniers miliciens, est-ce que vous croyez, par hasard, que mon coeur était moins déchiré que le vôtre ? Unis, unis... Si j'ai agi comme j'ai agi, si j'agis encore comme j'estime qu'il est nécessaire d'agir, alors il faut bien qu'il y ait tout de même un plan. Alors, il faut bien qu'il y ait tout de même, à cette conduite, des motifs peut-être valables je le crois, en tout cas intelligibles. Vous pouvez, je ne vous demande pas, je fais une confiance aveugle, une confiance personnelle dans tel ou tel individu, mais cette confiance-là, cette confiance de ma constante avec moi-même, avec ma conscience de militant et cette faculté, malgré tout, de jeter sur les évènements un regard empreint de quelque clairvoyance raisonnable, cette double confiance, je crois que vous pouvez tout de même l'avoir en moi. Alors, ces motifs, voilà dans toute la mesure où cela est possible, je veux essayer de vous les faire comprendre maintenant, vous parlant face à face, moi chef du gouvernement et vous militants de notre fédération socialiste. Pas de doute que si nous nous placons sur le terrain strict du droit international, du droit public, seul le gouvernement légal aurait le droit de recevoir de l'étranger des livraisons d'armes alors que ce droit devrait être refusé sévèrement aux chefs de la rébellion militaire, oui. Vous avez raison de m'applaudir, mais je crois que vous aurez raison aussi d'écouter et de méditer les paroles que je vais ajouter. Dans la rigueur du droit international, si cette rigueur qu'on invoque comme on l'a fait dans un grand nombre d'ordres du jour dont le gouvernement a été saisi, laissez-moi vous dire que le droit international permettrait, demain, au gouvernement qui jugerait cette mesure commode de reconnaître comme gouvernement de fait, la gent rebelle de Burgos. Et qu'à partir de cette reconnaissance de fait sur le terrain du droit international, terrain moins solide que vous ne pensez, les livraisons d'armes pourraient être alors faites à ce gouvernement rebelle, revu, connu de fait, aussi bien qu'au gouvernement régulier. Cette reconnaissance de fait, il y a eu des moments où elle a paru possible dans certaines éventualités, elle le deviendrait encore demain. En tout cas, dans la réalité des choses, tout s'est passé comme si certaines puissances avaient reconnu le gouvernement rebelle comme un gouvernement de fait et s'étaient jugées en droit de livrer des armes à ce soi-disant gouvernement de fait aussi bien que d'autres pouvaient le faire au gouvernement régulier. Vous me dites cela est contraire au droit international. Peut-être, pour assurer alors l'observation stricte du droit international que d'ailleurs il devenait si aisé de tourner. Quelle loi auriez-vous vu que la force ? Quel autre moyen auriez-vous vu que la sommation, l'ultimatum avec toute ses conséquences possibles ? Camarades, je vous parle gravement, je le sais. Je suis venu ici pour cela. Je sais bien ce que chacun de vous souhaite au fond de lui-même, je le sais très bien, je le comprends très bien. Vous voudriez que l'on arrive à une situation telle que les livraisons d'armes puissent être faites au profit du gouvernement régulier et ne puissent pas l'être au profit du gouvernement rebelle, au profit des forces rebelles. Naturellement, naturellement, vous désirez cela. Dans d'autre pays, on désire exactement l'inverse. Demandez-vous, une fois la concurrence des armements installée, car elle est fatale, dans cette hypothèse, jamais cela ne restera unilatéral. Demandez vous une fois la concurrence des armements installée sur le sol espagnol, quelles peuvent être les conséquences pour l'Europe entière ? Cela, dans la situation d'aujourd'hui. Et alors, si ces pensées sont maintenant suffisamment claires et suffisamment présentes devant votre esprit, ne vous étonnez pas trop les amis, si le gouvernement, je dis le gouvernement mais je pourrais aussi bien parler à la première personne car j'assume toutes les responsabilités au nom... Au nom du gouvernement que je préside. Je n'accepte pas d'acception de personne ou d'acception de parti. Si nous avions mal agi, je serai aussi coupable en ayant laissé faire qu'en ayant fait moi-même. Et je n'accepte pas, pour ma part, ces distinctions même amicales, même ménagères de ma personne. Alors, ne vous étonnez pas si nous en sommes venus à cette idée. La solution, ce qui permettrait peut-être à la fois d'assurer le salut de l'Espagne et le salut de la paix, c'est la conclusion d'une convention internationale par laquelle toutes les puissances s'engageraient, non pas à la neutralité, il ne s'agit pas de ce mot neutralité qui n'a rien à faire en l'espèce, mais s'engageraient à l'abstention en ce qui concerne les livraisons d'armes, s'engageraient à interdire l'exportation, en Espagne, du matériel de guerre.

 
Tag(s) : #le socialisme français avant 71
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