Monsieur le maire 'Paul Chastellain',
- Vous dire le plaisir que j'ai de me trouver dans votre ville est bien le moins, pour celui qui comme moi, au travers de ces dernières décennies, a souvent
parcouru vos chemins, visité ses amis et nombreux sont ici mes amis personnels, les compagnons d'une vie de lutte, et reçu par vous, dont je sais l'attachement à votre cité, la somme de travail
et la conscience. Nous avons eu l'occasion de nous rencontrer, on va bientôt calculer, bientôt près de vingt ans et voici que c'est à Tarbes que je commence le périple qui va me conduire dans les
huit départements de la région Midi-Pyrénées.
- Il fallait bien commencer quelque part, c'est ce qu'on dira, bien entendu, mais j'attachais un -prix particulier à ce que cela fût à Tarbes pour quelques raisons
que je viens d'évoquer mais aussi pour quelques autres : l'expansion rapide de cette ville, son poids dans la région et puis les difficultés qu'elle rencontre aujourd'hui, difficultés
particulièrement lourdes.
- Et puis parce que entrer dans cette région par cette porte-là, c'est retrouver un vieux pays qui se modernise, une population vivante, attachante, laborieuse.
C'est aussi que Tarbes s'identifie à quelques grands moments de notre histoire par la qualité de quelques uns de ses citoyens et par sa constante présence active dans l'histoire du
pays.
Je vous ai entendu, monsieur le maire, avec beaucoup d'intérêt me dire à quel point vous étiez heureux d'accueillir le Président de la République française qui se
trouve être l'un de ceux qui au-cours de ces dernières années se sont identifiés à une certaine conception de la politique française. C'est bien normal, et je veux en effet être l'expression
juste de ce pourquoi j'ai demandé au peuple français sa confiance. Nul ne peut s'étonner que l'ayant obtenue, au milieu des difficultés, je m'efforce de la mettre en oeuvre. Nul ne s'étonnera
s'il m'entend dire que je la poursuivrai.
Mais allant au-delà de ces premières constatations, affirmations, je dirai même ces évidences, c'est bien au-delà de ceux dont j'ai parlé, auxquels m'attache mon
amitié et ma gratitude, c'est bien au-delà de ceux-ci que je m'adresse aux autres qui sont aussi Français, participants de la vie nationale. Peu m'importe qu'ils éprouvent quelques réticences ou
même, allant plus loin, qu'ils s'opposent, c'est leur droit. S'il y a une légitimité, c'est d'abord celle de la République qui veut que chacun, sans doute affronte l'autre, sur les choix à faire,
mais retrouve l'autre lorsqu'il s'agit de la -défense de notre communauté nationale dans ce qu'elle a d'essentiel. Et tous ceux qui s'écartent de cette règle, qu'ils ne s'y trompent pas, ils
n'auront pas l'adhésion du pays qui sait bien que la France a besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'avancer avec fermeté et courage sans se laisser attarder aux difficultés de la
route.
- Nous n'avons pas intérêts à accroitre nos divisions. Pas même ceux qui s'y livrent avec délectation. La France n'est pas prête à s'abandonner aux extrémismes.
Elle aime sa démocratie et le respect mutuel. Et ce n'est pas moi en tous cas qui m'engagerait dans la course au vocabulaire qui risque de précéder des courses plus dangereuses 'allusion aux
propos de M. Michel Poniatowski qui, au-cours du conseil national du PR à Courbevoie, le 25 septembre, a déclaré que "la France est gouvernée par une association des charlots" et a qualifié M.
François Mitterrand de "super-charlot"'. J'ai dans l'esprit non seulement l'attachement qui me lie à l'ensemble des Françaises et des Français, ceux qui sont dans cette salle et qui représentent,
j'imagine, toute la diversité de notre société : diversité sociale, économique et politique, spirituelle, je les salue tous du même coeur. Je suis, pour le temps qui m'a été confié par le peuple
de France, je suis leur représentant à la plus haute charge et ni sur-le-plan intérieur, ni sur-le-plan extérieur, je n'abandonnerai une once des responsabilités qui sont miennes. Que nul n'en
doute, même si ici et là un peu de précipitation semble pousser quelques uns à s'en laisser accroire.
Monsieur le maire, mesdames et messieurs, ont été aussitôt évoqués ici-même les problèmes qui nous prennent à la gorge. Comment n'aurais-je pas entendu tout de
suite les mots : chômage, inflation avec tout ce que cela entraine dans la vie quotidienne de chacun et particulièrement de celui qui vit difficilement. C'est là tout le problème. Oh, je sais
bien qu'il existe une crise mondiale et particulièrement une crise mondiale des grands pays capitalistes. C'est vrai, je le sais bien, et j'en tiens -compte. Et je doit en tenir -compte parce que
c'est ce qui commande dans un monde ouvert auquel la France appartient. C'est ce qui commande bien souvent notre action économique. Mais, mesdames et messieurs, si je dois tenir -compte de cette
difficulté, il n'en reste pas moins que je crois la France capable de l'affronter, capable de résister, capable de dominer, à la condition de s'en donner les moyens.
- Ce chômage qui s'accroissait à grande allure depuis maintenant huit ans, oh ce n'est pas le point où nous en sommes qui pourrait me réjouir, au-moins peut-on
constater en l'espace de quinze mois un ralentissement de la moitié de cette hausse détestable, cruelle et dangereuse pour le corps national.
- La lutte contre l'inflation, ce n'est pas simplement une addition de recettes, c'est aussi la réforme des structures. Si on se contente de panser les plaies
superficiellement, dans peu d'années on constatera qu'il n'est aucune politique capable de répondre à la question sauf celle, et je me pardonnerai de le dire, c'est la nôtre, qui entend
s'attaquer aux structures-mêmes qui produisent une inflation, laquelle rend incompétitive la production française.
Bon, c'est pas commode tout ça. C'est même très difficile. Il faut pour y parvenir compter sur la solidarité et sur l'effort de tous à la condition bien entendu de
ne pas demander d'abord le gros de l'effort à ceux qui le fournissent depuis toujours, à ceux qui ont été écrasés par l'évolution des temps, parfois même par les égoismes, à la conditions que cet
effort se déroule dans la justice. La justice comprise dans le vrai sens de ce mot-là, à l'origine et à la base de tout développement harmonieux d'une société qui inspire à la fois les plus
grandes philosophies, les plus grands élans spirituels, qui inspire aussi ceux qui se sont attachés depuis la naissance de la société industrielle à tenter de comprendre les mécanismes de la
société d'aujourd'hui.
- Voilà, nous allons en parler au-cours de ces deux journées et demi pendant lesquelles je visiterai le Midi-Pyrénées et rencontrerai une partie de sa population
ainsi que ses responsables.
J'expliquerai partout et selon l'occasion comment j'entends avec le gouvernement conduire les affaires de la France. Et je pense comme vous, monsieur le maire, que
si l'on veut lutter contre ce drame du chômage, non seulement il faut mettre tous les atouts de son côté, mais il ne faut pas oublier que l'atout principal c'est le développement de la
production, c'est-à-dire la création de richesses nouvelles et là-dessus, au lieu de voir s'aggraver les dissentiments entre les diverses parties du corps social, on peut trouver, on doit trouver
des motifs d'entente et de travail en commun, dès lors je reprendrai le mot que l'on rende justice à chacun.
- Oui c'est vrai, je suis préoccupé de voir du côté des entreprises françaises, je suis préoccupé de voir la lourdeur des charges. C'est vrai, je suis préoccupé de
ce surendettement financier qui interdit aux entreprises audacieuses d'investir. Je suis préoccupé du poids insupportable des taux d'intérêt et je vais m'attaquer, j'ai commencé de le faire, je
mais m'attaquer à la source du mal et demander au gouvernement de porter plus encore qu'il ne l'a fait, il a eu tant à faire, son regard vers les réponses à apporter à ce type de
problème.
Mais c'est vrai aussi qu'une entreprise, elle est faite de tous ceux qui y participent et qu'il serait impossible d'accroître la production pour la rendre
compétitive s'il n'y avait pas aussi l'élan de tous ceux qu'on nomme les travailleurs, auxquels précisément dans cette intention ont été, et c'était bien juste, accordés les droits 'Lois Auroux'
qui sont reconnus dans de nombreuses démocraties souvent moins évoluées que la nôtre. Les droits à l'intérieur de l'entreprise, les droits qui font que hommes libres et responsables, chacun sent
bien que la France tout entière est l'-entreprise commune. Et cela vaut pour tous les corps de métiers, depuis le plus petit artisan jusqu'au plus puissant industriel, à-partir du moment où
chacun s'est engagé dans cette bataille, sachant bien que l'objectif c'est de restituer à la France toutes ses chances d'une grande et forte nation dans le concert des peuples et que finalement
chacun d'entre nous, pour le temps dont il dispose, aura en fin de -compte la fierté d'avoir contribué à traverser cette tempête avec un équipage solide, vaillant, capable de passer à ceux qui
viendront par la suite un pays en bon -état.
- Je suis heureux d'avoir pu dire cela à Tarbes en attendant d'autres développements. Je suis heureux que vous ayez dès le point de départ mis l'accent sur les
problèmes essentiels. Il y en a d'autres, bien entendu, mais tous les autres sont conditionnés par ceux-là.
- Je n'ai pas l'intention de procéder à une série d'allocutions qui prétendront traiter de tout et du reste, mais pour ce qui -compte, c'est-à-dire la foi dans
l'effort, la justice dans la répartition de cet effort et de ses -fruits, dans la solidarité nécessaire à laquelle je vous appelle, oui je pense bien que cette grande et belle région
Midi-Pyrénées saura répondre à mon appel.
- Je vous remercie.