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                            Anciens lieux de pèlerinages religieux , célébrés autrefois le 8mai.  C’est dans le massif de la Pena Montanesa, dans le Haut Aragon, que l’on aperçoit à gauche de la route de Escalona à Ainsa en venant de la frontière de Bielsa. Le massif est  grandiose, avec d’imposantes falaises autour desquelles planent les vautours fauves et les gypaètes  aux envergures impressionnantes .
                         C’est devenu pour nous un lieu de mémoire, nous les mécréants qui sommes issus des dignes combattants de la République espagnole. San Victorian est une ancienne abbaye , du nom de son fondateur. Le monument est imposant dans la montagne, partiellement en ruine, il est interdit à la visite. De nombreux cardinaux, infantes et « grands d’Espagne » y sont passés et  beaucoup y ont fini leur vie.
                   San Victorian et la poche de Bielsa.
                     Une division républicaine est acculée et cernée dans la poche de Bielsa, Elle est commandée par le Colonel Beltran. L’aviation  et l’artillerie franquiste bombardent la Vallée et les villages sont en feu. Les populations civiles tentent de passer la frontière.  C’est un immense charnier, il y a des cadavres partout. A San Victorian, positionné sur une hauteur, les allemands ont positionné des pièces d’artillerie  dont quelques unes particulièrement importantes. Elles pilonnent la vallée de Bielsa. Plus bas, les troupes maures de Franco se livrent à des massacres dans les zones sous contrôle franquiste. Elles ne sont pas encore arrivées à l’Ainsa la capitale du Sobrarbe. Les miliciens de l’UGT décident d’attaquer la position de San Victorian afin de soulager la division républicaine de Beltran et les populations de la Vallée de Bielsa . Parmi ces miliciens il y a le Père de notre camarade et ami Benito Buetas, ancien Maire d’Arreau. Les milices ouvrières formées de militants de l’UGT et de la CNT, partent un soir à l’assaut de SanVictorian. Ils connaissent les moindres recoins de la montagne. Il fait nuit quand ils arrivent et bénéficient de l’effet de surprise. Les allemands se défendent durement, les moines sont armés et participent au combat avec les fascistes. La lutte se termine à la grenade et à l’arme blanche et il n’y a plus de survivants chez les franquistes en dehors de quelques uns qui ont réussi a s’enfuir par les bois de chênes verts.
                                    Les miliciens mettent le feu et entament la descente, le jour n’est pas encore levé. Soudain un milicien lance « : Et camarades, si on gagne la guerre, c’est notre patrimoine qui est en train de brûler ! » Ils remontent et éteignent le feu. Les troupes maures n’allaient pas tarder à rentrer dans l’Ainsa et couper des têtes. La plupart des miliciens tomberont et quelques uns pourront rejoindre la frontière avec leurs familles.
                               Nous y sommes venus avec Benito Buetas la première fois, il y avait Tony Miranda, Jean Burgaud, Nini Embrun, Pierre Forgues, et l’année suivante et l’autre après et tous les ans  et devant le récit de Benito, les dents et les poings serrés. C’est notre hommage, nous le rendons tous les ans. Buetas nous a quitté et d’autres remplacent ceux qui ne viennent plus mais nous sommes là. D’autres viennent également et entre les visiteurs il y a toujours des nôtres et pour les mêmes raisons.
                      La Casa reventada.
                          Lors des tirs de l’artillerie de San Victorian sur la vallée de Bielsa, un obus a perforé une maison de part en part, sur le flanc de la montagne. Un homme a vécu dans cette maison, en l’état depuis la guerre. Quelques temps après la mort de Franco, Benito Buetas avec son ami Tony Miranda sont partis  d’Arreau avec un camion chargé de matériaux afin de réparer la maison de celui qui était devenu un vieux garçon. Perdu dans la montagne et vivant de son troupeau de brebis et de chèvres, deux fils de républicains sont venus lui réparer des dégâts occasionnés par l’artillerie fasciste quarante ans avant.
                           La Espelunga.
                       Depuis San Victorian, le panorama est magnifique, presque féerique. C’est le point de départ pour aller à la Espelunga. Il y a environ une heure de marche par un sentier étroit et sinueux . Il faut compter un peu plus, surtout en été par forte chaleur. La dernière fois il faisait 37 degrés à l’ombre. Mieux vaut partir tôt le matin qu’en début d’après midi après un repas copieux. On comprend alors les raisons de la sieste.
                          Après 20 bonnes minutes de marche, nous arrivons au pied d’une chapelle, qui aurait plus de quatre à cinq siècles, en début de ruine. Construite en pierres sèches et couverte de lozes , avec encore apparents des polychromes nous a-t-on assuré. L’intérieur est frais, presque froid. Nous poursuivons la montée pour arriver au seul point d’eau . L’eau est fraîche et potable. Nous remplissons les gourdes et on se désaltère. Plus loin c’est la cloche de pierre. Un rocher posé sur deux montants en pierre également, qu’il faut frapper avec un caillou en faisant des vœux, qui selon la croyance se réalisent ( tu parles). Le son est cristallin et résonne dans la montagne, comme une cloche . Enfin presque, avec beaucoup d’imagination mais c’est amusant. Enfin la montée est plus raide avec des panoramas à vous couper le souffle, l’idéal pour faire le guet  sans être vu. Ici et là on découvre des coins paradisiaques avec des cabanes isolées. Les vautours nous survolent d’assez prés pour entendre le glissement de l’air et il fait chaud, très chaud, l’ombre des chênes verts et des buis est la bienvenus, avec les odeurs de sous bois. Aussitôt au soleil, la chaleur est partout, d’en haut qui brûle et qui monte de la pierraille surchauffée. Enfin nous traversons une haie de buis et nous arrivons. L’eau fraîche de la gourde est la bienvenue.
                                   Nous voilà à la Espelunga, un mur en ruines et une entrée encadrée et surmontée d’une fenêtre. A l’intérieur une grotte naturelle agrandie par l’homme, c’est une église creusée dans la roche. Une faille, en haut laisse pénétrer la lumière, un halot qui éclaire ce qui fut un autel. A gauche quelques marches taillées et une autre grotte conduit à ce qui fut une sacristie, toujours taillée dans la pierre. Il y a encore quelques vestiges religieux, des peintures et un bénitiers en pierre trop lourd pour être volé. C'est là que vécut San Victorian en ermite, paraît-il. Ici lors des processions, tout se guéri  et la médecine n’a qu’a bien se tenir. Mais nous ne sommes pas venus implorer le ciel, la sécu c’est mieux.
                           A  la fin de la guerre d’Espagne, il y a encore plus de dix mille hommes en armes dans les montagnes, des guérilleros qui résistent, dans le haut Aragon également et la Espelunga est le refuge d’un maquis majoritairement communiste. Il y a dans la région d’autres maquis, avec notamment des anarchistes. Ici ceux de la Espelunga sont particulièrement actifs, ils feront sauter la conduite forcée de La Fortunada. Pour combattre ces maquis les franquistes utilisent la guardia civil, habillée comme les maquisards et croisent les mêmes endroits et commettent des exactions sur les populations civiles afin de discréditer les guérilleros et les couper de leurs bases dans les villages des environs et des fermes isolées. De nombreux résistants repassent la frontière pour renforcer leurs camarades restés en Espagne, même ici à la Espelunga. La lutte est particulièrement dure et c’est au milieu des années cinquante que le dernier maquisard est abattu. Des hommes rentrent dans la légende comme Caraquemada, Villacampa d’Alquezar. Au fur et à mesure les corps des républicains tués sont exposés sur la place des villages, comme des trophées de chasse, un avertissement aussi à ceux qui pourraient devenir gibier.
                                  Ils ont vécu des années dans ces grottes faciles à défendre, à partir desquelles des raids étaient organisés contre les franquistes et leurs représentations. Des drames se sont déroulés dans ces montagnes plus réelles que les décors de cinéma et bien plus belles encore. En bas tout en bas, à plus de cent kilomètres, Almudevar , là où est né Francisco Ascaso. Plus à l’est, à une cinquantaine de kilomètres, Bonanza et sa magnifique vallée, naquit Julian Andrade. Les Pyrénées, souvent traversée par des hommes en armes, le sac plein de courage et de munitions qui pendant une vingtaine d’années, dans le silence médiatique et dans le mépris des cons et des imbéciles ont lutté contre la dictature. Ils l’ont fait souvent spontanément contre parfois les directives de leurs organisations politiques et syndicales. La Espelunga ne connaît plus de processions religieuses, elle est une parti de notre mémoire. La beauté du site n’a d’égal que celui de l’idéal d’une génération toute entière. Nous y reviendrons chaque année, sur les pas de ces hommes qui étaient plus grands que nous
                         
Tag(s) : #guerre d'Espagne
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