. La version habituellement retenue de la bataille de Belchite est celle échafaudée et présentée par les franquistes et les fascistes en général. Leur version est
un contre-pied à Guernika afin de se dédouaner des horreurs méthodiquement organisées et planifiées. C’est ainsi qu’ils peuvent affirmer : »il y a eu des horreurs des deux cotés ! » rejetant
ainsi dos à dos l’agresseur et la victime. Ils tentent de faire oublier que la République, avec toutes ses imperfections, est le régime légal, institutionnel et légitime qui repose sur les
principes démocratiques et le suffrage universel et que le franquisme, son armée et son église tentent de renverser par la violence et les armes. La victoire des franquistes n’est rendue possible
que par l’intervention de leurs alliés que sont les nazis allemands d’Hitler et les fascistes italiens de Mussolini. Une guerre est par nature horrible mais on ne peut pas mettre dans le même sac
celui qui défend la liberté et la démocratie par la force et celui qui veut imposer une dictature par la violence. Sans les forces fascistes et nazi coalisées ,il est fort probable que le
soulèvement franquiste n’ait jamais eu lieu ou écrasé par les forces populaires. Toute guerre est par définition atroce et plus particulièrement la guerre civile, c’est la bestialité qui se
déchaîne. Le révisionnisme ne manque pas en la matière et en premier lieu par la façon de présenter le conflit en deux camps en dehors des conditions et des circonstances dont seul le vainqueur
apparaît légitime, puisque ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Les ferments de l’affrontement sont le produit de l’histoire de l’Espagne et pour qu’il se produise il y a un facteur
décisif qui le rend possible, c’est la domination fasciste en Europe et sa puissance militaire. Sans oublier la faiblesse des démocraties occidentales et la lâcheté ambiante qui n’est pas sans
arrière pensées. Belchite en Aragon est une grosse bourgade très largement acquise à la République. Le Maire et le conseil municipal sont de gauche. La CNT est l’organisation dominante et le
mouvement anarcho syndicaliste est particulièrement puissant en Aragon. Comme de nombreuse communes, Belchite participe activement au ravitaillement du Front avec sa Coopérative de production.
Les collectivisations nombreuses dans cette région est aussi un moyen de maintenir l’autonomie de forts contingents de miliciens. Pour l’Etat Major républicain Belchite n’offre pas d’intérêt
stratégique particulier et préfère concentrer des troupes sur des positions plus importantes. C’est un secteur faible entre Saragosse et Teruel et les franquistes l’ont compris pour enfoncer le
front d’Aragon vers le nord et rompre la ligne de Teruel à Sarragosse. Les caciques locaux ont bien tenté, dès le soulèvement franquiste ,de prendre des villages, avec l’aide de phalangistes
venus des villes mais sans succès. En Aragon ces tentatives sont vites matées par les populations et les miliciens anarchistes, sauf dans quelques endroits proches de la Navarre et dans la zone
de Jaca. La stratégie des phalangistes consiste à s’emparer des clochers pour y positionner des mitrailleuses, notamment dans les villages construits en « bastide » ce qui permet avec peu de
moyens de tenir les rues qui convergent vers l’église et la plaine ou la vallée environnante . Dans le sud de l’Espagne, c’est une stratégie courante et les mitrailleuses sont déjà en place pour
le jour du soulèvement. C’est une des raisons des assauts contre les églises afin de neutraliser ces nids de mitrailleuses positionnées en haut des clochers. Belchite comme toutes les citées
aragonaises , fournit des combattants aux colonnes anarchistes et plus particulièrement à celles de Buenaventura Durruti et à Ascaso organisateur de la défense d’Aragon. Durruti ,c’est l’audace
et la témérité et un courage inouï allié à l’intelligence tactique d’Ascaso qui un superbe organisateur. Ascaso craint la rupture du front d’Aragon par l’aviation fasciste. La République ne
dispose que de faibles moyens aériens et son Etat Major a d’autres priorités que Belchite. La nuit les colonnes partent à l’assaut et prennent position, le jour venu elles sont délogées par les
Junkers, les Messerchmitts et les Fiats fascistes. Quelques « coucous » républicains tentent d’y faire face héroïquement et le qualificatif est encore faible. La défense antiaérienne est presque
inexistante en dehors de quelques « Vickers » dont les munitions sont rationnées. Ascaso est méfiant et il dote de quelques armes les populations de certains villages de l’axe Sarragosse Alcaniz
avec des miliciens locaux . Belchite est une commune largement acquise à la République et au mouvement révolutionnaire aragonais. La CNT est l’organisation dominante et la plus puissante. Pour
les républicains, il n’y pas lieu de s’inquiéter d’une quelconque présence franquiste dans cette zone, dont la priorité sont les grandes agglomérations. Belchite c’est le « maillon faible » de la
zone puisque peu ou pas « militarisé », les premières lignes républicaines sont à plus de vingt kilomètres et la colonne « Lénine » du POUM est au repos, une partie à Lécera et l’autre à Albalate
la Luchadora. C’est à ce moment qu’éclate une offensive franquiste sur Belchite. La population résiste mais la commune est prise essentiellement par l’infanterie appuyée par des tirs
d’artillerie. Le Maire est arrêté avec la totalité du conseil municipal et leurs familles. Ils sont fusillés sur le champ. Les militants de gauche et tous ceux qui ont eu quelques sympathies pour
la République sont arrêtés. Les registres de baptêmes et de mariage sont consultés et ceux qui n’y figurent pas sont arrêtés à leur tour, les concubins également. Selon la méthode employée dans
le reste de l’Espagne par les franquistes, il ne faut surtout pas laisser un « rouge » derrière ni un fils capable de reprendre le combat du père. L’élimination est systématique et menée avec
méthode. Les corps sont entassés sur la place de la cathédrale en guise de démonstration. Toutes les maisons ont été visitées dans les moindres recoins afin de débusquer les derniers
républicains. La soldatesque se livre à tout, vol viol et meurtres. C’est un jeune garçon qui réussit à s’enfuir , il marche toute la nuit pour rejoindre les lignes républicaines et au petit
matin, le jour n’est pas encore levé, il arrive aux avants postes de la colonne du POUM. C’est la colonne à laquelle appartient Geoge Orwell . Alertée, celle ci se met aussitôt en route avec des
miliciens épuisés et affamés. Ascaso contre l’avis de l’Etat Major républicain décide d’attaquer et de reprendre Belchite. La bataille fait rage et les franquistes bénéficient de l’appui d’une
puissante aviation et de nombreuses mitrailleuses lourdes qui empêchent l’approche des miliciens. Les franquistes sont ravitaillés par des avions qui larguent sur la ville des quantités de
provisions. Lors d’un assaut, le premier mort républicain est tué par un jambon largué qu’il reçoit sur la tête. L’assaut décisif a lieu la nuit. Une colonne anarchiste, vêtus de combinaisons
noires, les visages noircis à la suie , armés de couteaux, de grenades, de pioches et de masses, attaque le mur borgne du monastère, derrière les autres suivent. Un trou, une grenade et ainsi de
suite, des murs et cloisons sont abattus et de nombreux combats à l’arme blanche. Rue par rue et maison par maison, Belchite est reprise par les républicains qui refixent le front. Les cadavres
sont brûlés et Belchite nettoyée et désinfectée. La contre offensive républicaine s’opère sur plusieurs dizaines de kilomètres, jusqu’au retour massif de l’aviation franquiste. A un contre vingt
l’aviation républicaine tentera de s’y opposer avec les vieux « coucous » mais d’extraordinaires pilotes. L’artillerie franquiste cerne Belchite et l’aviation bombarde, les républicains ont de
lourdes pertes et les fascistes reprennent une ville qu’ils ont au préalable détruite. Les rescapés du camp républicain fuient et la plupart s’installeront dans le sud de la France. Les
franquistes offrent aux médias leur version, celle des vainqueurs et leur dictature interdit toute autre version que la leur et gare à celui ou ceux qui oseraient la remettre en cause. A
Guernika, ils opposent Belchite en modifiant le cours des événements. Pourquoi les républicains auraient-ils éliminés les républicains et le conseil municipal républicain de Belchite et pourquoi
donc les anarchistes auraient-ils tué les leurs majoritaires avec la CNT. Pire certaines photos prétendent montrer la population de Belchite résister aux républicains, avec des armes soviétiques
, des « lebel » français et des uniformes de la marine dont on sait qu’elle est restée fidèle à la République et que la mer c’est loin de Belchite. Pendant plus de quarante ans les franquistes
ont martelé leur version et il n’y avait personne en Espagne pour affirmer le contraire et ceux qui complices du régime ont plus ou moins participé ne vont pas dévoiler la vérité. Ceux qui ont
combattu dans les rangs de la légalité et de la légitimité républicaine , eux savent. Supposons que dans une réécriture de l’occupation Allemande et de la dernière guerre, que quelqu’un déclare
qu’il y a eu des atrocités dans les deux camps. Pourtant, un bateau allemand chargé d’enfants fut coulé par la marine soviétique. Le bombardement de Dresde et bien d’autres épisodes de la guerre.
Cela met-il sur le même plan la Démocratie et le fascisme. Peut-on renvoyer dos à dos les différents belligérants ou l’agresseur et l’agressé .Le révisionnisme à propos de la guerre d’Espagne est
une pratique courante dans le cadre de l’idéologie dominante réactionnaire actuelle. Non ce n’était pas simplement l’affrontement de camps homogènes comme deux équipes sportives sur le même
terrain que l’ont renvoie dos à dos au vestiaire et totalisant le même nombre de fautes. Mettre en cause les républicains, c’est condamner la démocratie et la liberté et la République Espagnole
en est un symbole fort à une période ou une grande partie de L’Europe se couchait en se couvrant de lâcheté. La République était composée de groupes divers et différents, en face également mais
avec l’unanime volonté d’imposer par la violence une dictature dans l’air du temps , Armée, Eglise, grande bourgeoisie, fascistes et nazis unis pour une même destiné, l’horreur et tous les
meurtres et assassinats qui se poursuivirent bien après la fin de la guerre. Quel crédit peut avoir la thèse de l’oppresseur, si ce n’est pour opprimer davantage. Alors pour quoi ne pas, au même
titre, accorder de crédit aux thèses d’Hitler et de Mussolini , à leurs descendants politiques et aux révisionnistes de la période. En quoi Franco paraît-il plus crédible que ses alliés.
Contrairement à la dictature la démocratie est diverse et les républicains sont unanimes sur Belchite, quelque soit leur appartenance, républicains, socialistes, anarchistes, communistes
trotskystes, du POUM et militaires de la république légalistes et légitimistes, révolutionnaires et contre révolutionnaires. Les combattants de Belchite libres de parole ,réfugiés dans des pays
libres. Pour les autres ce fut « mentez ,mentez, il en restera toujours quelque chose ! » et il en reste hélas quelques traces .