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Durant l'été 1898 Jaurès se lance dans une grande entreprise collective à l'initiative d'un éditeur de gauche, Jules Rouff, spécialiste de l'édition populaire : une « histoire socialiste de la France de 1789 à 1900 », appelée à paraître d'abord en fascicules. Jaurès assure la direction de l'ouvrage, écrit divers épisodes et toute l'histoire de la Révolution française jusqu'au 9 Thermidor (chute de Robespierre). Son livre s'inscrit dans l'histoire de son temps (la présentation des grands hommes) mais la renouvelle profondément notamment par la place accordée pour la première fois aux phénomènes sociaux et économiques. Les historiens français du Xxè siècle, spécialistes de la Révolution française (Mathiez, Georges Lefebvre, Michel Vovelle) se réclameront de cette œuvre de Jaurès, pourtant non spécialiste

 
« ... Je ne veux pas faire à tous ces combattants qui m'interpellent une réponse évasive, hypocrite et poltronne. Je leur dis : Ici, sous ce soleil de juin 93 qui échauffe votre âpre bataille, je suis avec Robespierre, et c'est à côté de lui que je vais m'asseoir aux Jacobins. Oui, je suis avec lui parce qu'il a à ce moment toute l'ampleur de la Révolution. Je suis avec lui, parce que s'il combat ceux qui veulent rapetisser Paris à une faction, il a gardé le sens révolutionnaire de Paris. Il empêchera l'hébertisme de confisquer l'énergie populaire ; mais il ne rompt pas avec cette énergie ; (...) Il n'a peur de Paris, et la preuve, c'est qu'il conseille aux sans-culottes parisiens de ne pas s'enrôler en masse pour les frontières, de rester armés au cœur de Paris pour préserver la capitale de toute surprise contre-révolutionnaire. S'il avait eu contre la Commune de mauvais desseins, il aurait fait le vide autour d'elle : il aurait expédié en Vendée ou en Flandre, ou en Roussillon, ou sur les bords du Rhin, les patriotes véhéments. Il s'applique, au contraire, à les retenir et il supplie la Commune de se servir de cette force populaire non pour subordonner, non pour violenter ou menacer la Convention, mais pour la protéger au contraire, pour lui donner la confiance invincible qu'elle communiquera à la France et aux armées (...) Par la Convention loyalement unie à une commune ardente, mais respectueuse de la loi, c'est toute la France qui gouverne, qui administre, qui combat. Paris est le foyer le plus vaste, le plus ardent et le plus proche où la Révolution se réchauffe : il n'est pas à lui tout seul la Révolution. La démocratie est donc pour Robespierre à la fois le but et le moyen : le but puisqu'il tend à rendre possible l'application d'une Constitution en qui la démocratie s'exprime ; le moyen puisque c'est avec toute la force révolutionnaire nationale, concentrée, mais non mutilée, qu'il veut accabler l'ennemi. Hors de lui le reste est secte. O socialistes, mes compagnons, ne vous scandalisez pas ! Si le socialisme était une secte, si sa victoire devait être une victoire de secte, il devrait porter sur l'histoire un jugement de secte, il devrait donner sa sympathie aux petits groupements dont les formules semblent le mieux annoncer les siennes, ou à ces factions ardentes qui en poussant presque jusqu'au délire la passion du peuple, semblaient rendre intenable le régime que nous voulons abolir. Mais ce n'est pas d'une exaspération sectaire, c'est de la puissante et large évolution de la démocratie que le socialisme sortira : et voilà pourquoi, à chacun des moments de la Révolution Française, je me demande : quelle est la politique qui sert le mieux toute la Révolution, toute la démocratie ? Or, c'est maintenant la politique de Robespierre. Babeuf, le communiste Babeuf, votre maître et le mien, celui qui a fondé en notre pays, non pas seulement la doctrine socialiste, mais surtout la politique socialiste, avait bien pressenti cela dans sa lettre à Coupé de l'Oise : et voici que quinze mois après la mort de Robespierre, quand Babeuf cherche à étayer son entreprise socialiste, c'est la politique de Robespierre qui lui apparaît comme le seul point d'appui. A Bodson, à ce Cordelier ardent qui assistait aux séances du club dans la tragique semaine de mars 1794, où l'hébertisme prépara son mouvement insurrectionnel contre la Convention, à Bodson, resté fidèle au souvenir d'Hébert, Babeuf ne craint pas d'écrire, le 29 février 1796, qu'Hébert ne compte pas, qu'il n'avait su émouvoir que quelques quartiers de Paris, que le bonheur commun devait avoir pour organe toute la communauté et que Robespierre seul, au-delà des coteries, des sectes et des combinaisons artificielles et étroites, a représenté toute l'étendue de la démocratie. » 
 

Tag(s) : #textes historiques
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